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CAMILLE BERUBE 165 voir une solution personnelle, car Mathieu précise qu’il s’agit de savoir si la lumière naturelle suffit à acquérir une connaissance cer­ taine sans l’influence des raisons éternelles. C’est déjà aiguiller la réponse sur la doctrine de l'influence des raisons éternelles, com­ me chez Guibert de Tournai et Henri de Gand. Bonaventure oppose deux opinions: celle qui tient que la cau­ se totale et unique de la connaissance, c’est la raison éternelle, et celle qui tient qu’il suffit d’atteindre une influence des raisons éter­ nelles, sans atteindre les raisons éternelles elles-mêmes. Puisque l’in­ fluence ne suffit pas, Bonaventure ne peut que mitiger la premiè­ re position sur le mode d’atteindre les raisons éternelles en lui ad­ joignant le concours des raisons créées de sorte que les raisons éternelles ne soient plus la raison totale et unique de la connais­ sance de la vérité s2. La solution de Mathieu, c’est d’ajouter l’influence de la raison éternelle à celle de l’objet et de l’intelligence elle-même, de façon que notre connaissance soit causée tant d’en bas, par les choses extérieures, que d’en haut, par les raisons idéales. Le changement opéré consiste à substituer à la doctrine de Platon une théorie qui réduit la doctrine de saint Augustin à une influence des raisons éternelles dans un habitus de l’esprit; habitus dont Dieu serait la cause. Pour Mathieu, il s’agit, en realité, d’une addition de deux causes que les adversaires en présence: Platon et Aristote, présen­ taient l’un et l’autre comme la cause totale et unique de la connais­ sance. Pour Mathieu, il faut donc le concours de la lumière naturelle de l’intelligence et de la lumière éternelle, parce que la première est à-demi opaque et détective, tandis que la seconde seule est une raison parfaite et suffisante de connaître. Il faut donc que l’es­ prit humain atteigne la lumière éternelle par sa partie supérieure, sans que pour autant cette lumière éternelle ne devienne une rai­ son de connaître totale, unique, claire ou propre93. Ces trois expressions sont expruntées au sermon Christus unus omnium magister, mais on les lit aussi dans la question De scientia Christi IV, texte que Mathieu a sous les yeux quand il explique que l’influence éternelle est une raison de connaître ‘‘non propriam, sed quodam modo generalem” et donc qu’il faut aussi le concours des 92. ibid. p. 215. 93. Ibid. p. 231.

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