PS_NyG_1974v021n001p0131_0172

C AM ILL E BERUBE 141 saint Bonaventure entre deux opinions: l’une qui soutient que la clarté de la lumière éternelle est la ratio cognoscendi tota et sola, l’autre qui s’en tient à une influence de cette lumière éternelle sur les facultés. Bonaventure estime la première excessive et la secon­ de en désaccord manifeste avec saint Augustin. Il opte pour une position moyenne, qui n’est en réalité qu'une modification ou atté­ nuation de la première, en ce qu’elle tient que la lumière divine n’est pas seule cause de la connaissance, mais qu’elle concourt avec la raison créée et que cette lumière n’est pas atteinte claire­ ment mais obscurément. La lumière éternelle coopère donc avec les raisons créées, qui sont les raisons propres et distinctes des choses. Elle est atteinte comme régulatrice et motrice de l’intelli­ gence, ou comme objectum motivum, parce que c’est ainsi que Dieu coopère à l’action des êtres qui sont son image“ . Il est à remarquer que Bonaventure présente l’illumination, non comme une action exclusive de la lumière divine à la façon d’une grâce comme Guibert, mais comme une coopération à l’activi­ té naturelle de l’intelligence, pour conférer l’immutabilité à son ob­ jet et l’infaillibilité au sujet connaissant. Cette intervention de la cause première n’implique pas, non plus, de scepticisme sur la valeur des causes secondes comme chez Guibert. Le parallélisme entre la vision oculaire et la vision intellectuelle n’y joue aucun rôle, et Bonaventure évite toute expression qui pourrait insinuer une information de l’intelligence par la lumière incréée. Mais, en un sens, il exige plus que Guibert, en ce qu’il ne lui suffit pas de ’voir’ la vérité dans un effet créé, comme l’est cette similitude qui infor­ me l’âme et y fait connaître Dieu lui-même, comme le pense Gui­ bert. Il faut que l’intelligence atteigne de quelque façon ces rè­ gles éternelles au-dessus d’elle-même et en elles-mêmes. Il y faut donc une visée de l’intelligence vers un objet qui est au-dessus d’elle et non en elle comme un habitus créé par Dieu. Il faut attein­ dre les choses en tant qu’elles sont dans l’art éternel: nisi aliquo modo attingat eas in quantum sunt in arte aeterna n. Le libellé des questions de Guibert et de Bonaventure est déjà significatif à cet égart, car Guibert y affirme une influence 28 de la lumière incréée, 26. S. B o n a v e n tu r a , Quaestiones disputatele de scientia Christi, p. IV, Quaracchi 1891, t. V 22-27. 27. Ibid. 23-24. 28. Pour Guibert voir plus haut, n. 14.

RkJQdWJsaXNoZXIy NDA3MTIz