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70 CAMILLE BÉRUBÉ sa libération, alors qu'il en était indigne. Sa dette envers Dieu était telle que si elle n'avait existé, le Verbe ne se serait pas incarné7. Leproblème de Gerken Gerken trouve ce texte singulier et se demande si on peut lui attribuer une valeur réelle, car Bonaventure s'arroge ici un principe, dont tout le reste peut découler. Le mystère de l'amour de Dieu paraît ici souverain, au-delà du péché et de toute réalité, comme une descente d'une excessive condescendance, en raison de nos péchés 8 • Ce texte évoque l'exclamation célèbre de S. Augustin, dans l'Exultet de la nuit pascale: 0 certe necessarium Adae peccatum, quod Christi morte deletum est! 0 felix culpa, quae talem ac tantum memit habere Redemptorem! L'étonnement de Gerken semble l'empêcher de porter son attention sur la valeur infinie de l'amour de Dieu comme raison ultime et, par définition, indé– passable par toute autre raison. Il lui substitue, de la part de Bonaventure "une adoration émerveillée devant la souveraineté de Dieu, qui se déploie de façon telle qu'il utilise même le péché pour révéler sa magnificence, au point même qu'il paraît en avoir fait un élément de son plan éternel", comme si la magnifi– cence et la "souveraineté de Dieu dans l'histoire" était plus parfaite que son amour et en épuisait l'infinité. C'est ce que Jean Duns Scot éliminera en disant que l'incarnation n'est pas subordonnée à la rédemption qui implique le péché, tout comme la maternité divine de Marie n'était pas liée au péché originel. Cette perspective est soulevée dans le question: Dieu aime-t-il mieux le Christ que le genre humain? Le fait que le Verbe s'incarne et meurt pour la ré– demption du genre humain n'implique-t-il pas que Dieu aime plus le genre hu– main que le Christ? En raison de sa nature divine, on peut dire avec saint An– selme que Dieu aime le Christ mille fois plus que tout le genre humain et le monde entier. Mais n'aime-t-on pas mieux la fin plus que le moyen de l'atteindre, selon l'axiome: propter quod unumquodque, et illudmagis? Bonaventure répond que cela vaut quand propter dit un rapport de cause fi– naleprincipale, non quand il s'agit de raison inductive. Le genre humain, par rapport à l'incarnation et à la naissance du Christ, ne fut pas une raison finale motive, mais un certain mode inductif, une certaine incitation à vouloir, comme le malade dispose le médecin à le secourir. Le Christ n'est pas ordonné finalement à nous, 7 Ibid., 22. 8 A. Gerken, La théologie du Verbe, Pa.ris 1969, 223.

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