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68 CAMIILE BÉRUBÉ Le premier prédestiné est Jésus, fils de Marie, indépendamment de la prévision divine tant de la chute d'Adam que de la rédemption du genre humain par l'incarnation du Fils de Dieu. L'immensité de la bonté de Dieu est la raison principale et inconditionnée tant de l'incarnation du Verbe que de la rédemp– tion du genre humain. Depuis un demi-siècle se pose le problème de la valeur critique de cette in– terprétation traditionnelle de la doctrine de l'incarnation selon saint Bonaventure. En 1958,J. Ratzinger émettait l'opinion d'une évolution de la théologie bonaven– turienne depuis le Breviloquium, en 1256, jusqu'à l'Hexaê'meron, en 1273. En 1969, Alexander Gerken, frère mineur, y voyait une maturation déjà décelable dans la question de Bonaventure sur la raison principale de l'incarnation mais pleinement réalisée dans les textes ultérieurs en dépassant en cohérence les opinions des sco– tistes, sinon de Scot lui-même, sur la raison principale de l'incarnation. Cette comparaison des opinions bonavanturiennes et scotistes s'est posée également dans l'ouvrage de grande envergure de Giovannni Iammarrone: La Cristologia francescana. Impulsi per il presente, Padova 1997. Ce sujet est beaucoup plus ample et plus complexe que notre question de la raison principale de l'in– carnation et nous laissons aux experts en spiritualité franciscaine d'en apprécier la valeur. Il a pour nous l'intérêt de présenter des perspectives différentes des nôtres sur certains points et des convergences sur d'autres. On nous pardonne– ra d'imiter le Docteur Subtil qui trouv~t dans les opinions d'Henri de Gand et de Thomas d'Aquin des éléments pour élaborer des opinions personnelles. L L'INCARNATION POUR LA REDEMPTION SELON SAINT BONAVENTURE La ''praecipua ratio incarnationis" est la plus ample des questions des quatre livres de Bonaventure sur les Sentences de Pierre Lombard. Elle est préparée par l'exposé des convenances de l'incarnation de Dieu. Il n'y a aucun doute qu'il convenait et était à propos que Dieu s'incarnât pour l'éminente manifestation de sa puissance, de sa sagesse et de sa bonté, tant pour l'achèvement des oeu– vres de Dieu dans la création qu'en raison du prix surabondant versé pour la libération de l'homme captif. Celle-ci ne pouvait être payée que par une per– sonne divine en raison de la suprême valeur de la glorification de l'homme, qui ne pouvait être opérée que par Dieu 2 • 2 Bonaventure, Sent. III, d. I, a. 2, q. 2: Opera omnia, Quaracchi 1887, III, 29.
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