BCCCAP00000000000000000000849

LES CAPUCINS AU SERVICE DES PESTIFÉRÉS 195 d'une croix blanche, et qui ont exprès commandement de s'éloigner de toute personne » 17 • Parfois, on apercevait un capucin sortant d'une de ces maisons mar– quées. Il marchait revêtu d'un habit de « boncassin ou de camelot gris, les pieds couvertz de chausses et soulliers », ses mains gantées, précautions rendues nécessaires par suite de la contagion. Souvent on entendait une clochette retentir. C'étaient deux capucins qui se met– taient en route pour porter le Saint-Sacrement, « précédés par un officier de ville portant un falot en une main et une clochette en l'autre pour avertir le monde de s'écarter du chemin et adorer Nostre Seigneur, l'un portant une croix de bois et disant tous deux depuis la chapelle jusqu'au lit du malade quelque dévot psaume». Arrivés auprès du pestiféré, les religieux devaient « s'efforcer de ne pas s'approcher de trop près du malade en lui admi– nistrant les Sacrements, de prendre toujours l'endroit du vent favo– rable pour divertir l'air venant de la personne malade », et de placer un flambeau destiné à servir« d'éventail entre le prêtre et le malade pendant qu'il le confesse ou communie » 18 • Mais ce qui cons– titue le spectacle le plus lugubre, c'est bien ce lourd chariot de bois qui roule dans les rues désertes, emmenant « les morts à leur dernière demeure, sans cortège et sans cérémonie, car tout le monde a fui ou reste enfermé chez soi. Quand il le peut, un religieux accompagne le sinistre convoi, se demandant sans doute si bientôt ce même chariot qu'il a suivi tant de fois ne l'emportera pas à son tour »m. La décision du Parlement de Normandie de confier à des religieux le soin des malades, était causée surtout par les plaintes portées par les pestiférés contre les marqueurs, éventeurs et quelques autres officiers de la contagion. Comme capucins et jésuites s'offraient spon– tanément, la cour avait prétexté de leur dévouement pour forcer la municipalité à leur trouver une résidence et pour « entendre d'eux ce qu'ils veulent faire, et comment ils vouldront travailler pour l'as– sistance desdits malades ». Le 20 juin 1622, le Parlement de Norman– die recevait une délégation de quelques chanoines du Chapitre ca– thédral, ainsi que des députés des autres compagnies. Devant la Cour, le premier président déclara « que la malladie contagieuse augmentoit de beaucoup tous les jours, 11 Ch. LORMIER, Ordonnances contre la peste et autres ordonnances concernant la salu– brité publique..., Rouen 1863, 32. 18 Méthode établie et jugée convenable d'être observée par les religieux députés au service des pestiférés (Arch. dép. Côte-d'Or, H 1005). 10 ÉDOUARD D'ALENÇON, Les Capucins de Rouen pendant les pestes du XVIIe siècle, Paris 1890, 13.

RkJQdWJsaXNoZXIy NDA3MTIz