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194 RAOUL DE SCEAUX mourir tout aussitôt'. Il n'eut pas tini sa prière qu'il vomit le venin qu'il avoit sur le cœur, ce qui le guérit en un moment. Il courut rendre ce pieux service a ces malades, et il y fit de très grands fruits » 13 • Quant au P. Simon de Rouen, il « jouissoit toujours d'une santé parfaite, sans qu'il luy arrivât aucun accident, et continua cet exercice durant et après que son compagnon eut recouvré sa santé, sans que la sienne fut altérée, quoyque bien souvent ils étoient obligés de faire l'office de curé et de magister, ces personnes s'étant fuys, de crainte d'y perdre la vie ou étant mortes de cette maladie, comme il est arrivé en quelques villages ou ils en avoient enterré quelques uns. Ils faisoient non seulement un grand fruit à l'égard de ces pauvres malades, mais encor envers ceux qui jouissoient de la santé, les disposans par leurs ferventes exhortations et remontrances de se mettre en bon état... de sorte que ces pauvres gens couroient aux lieux ou ils devoient passer pour recevoir leur bénédiction et écouter leurs exhortations. Ils ont laissé une si grande odeur de sainteté et de grande piété en ces quartiers ou le mal étoit si violent, qu'il laissa presque tout désert. Ce mauvais air étant passé et le mal finy, ils revinrent, Dieu les ayant préservés de ce mal conta– gieux, pour rendre plus de service a la ville de Rouen, ou ils furent envoyés l'année suivante » 14 , et où nous les retrouverons. C'est qu'en effet, les capucins normands allaient encore vivre des mois tragiques dans l'exercice de la charité la plus héroïque au chevet des pestiférés. À Rouen surtout, la mortalité occasionna une telle hécatombe, qu'en un même jour un chariot parcorut la ville à plu– sieurs reprises emportant, chaque fois, quinze à seize cadavres 15 • Aux capucins revenait le soin de s'occuper des malades, d'autant plus que leur couvent se trouvait situé au Clos des marqueurs. Quarante– trois d'entre eux devaient tomber, victimes de leur charité au cours du XVIIe siècle, en assistant les pestiférés, sur les soixante-deux qui se consacrèrent à cet héroïque ministère 16 • La ville tant éprouvée, présentait un triste spectacle. Partout, les portes étaient fermées. « Sur chacune, des croix blanches grandes et éminentes apprennent combien nombreux sont les foyers de peste au passant alarmé qui, s'il résiste à cette impression fâcheuse, va tout à l'heure se trouver a la rencontre soit d'un de ces médecins... dont le dévouement est mis à cette dure obligation de ne plus aller ni converser avec les sains..., portant à la main cette verge blanche qui le désigne a tous comme un germe de peste, soit à la rencontre, d'un de ces sergents de charité avec leur sinistre robe bleue marquée, comme les maisons maudites, 13 Bibl. nat., f.fr . 25.044, p.267. 14 Bibl. nat., f.fr . 25.044, p.265. 15 Nicétas PÉRIAUX, Histoire sommaire et chronologique de la ville de Rouen, Rouen 1874, 421; Bibl. des Cap. de Paris, ms. 1677, dos. A. 16 L. LEVASSEUR DE MASSEVILLE, Histoire sommaire de Normandie VI, 517.

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