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LES CAPUCINS AU SERVICE DES PESTIFÉRÉS 193 immédiat des malades au Lieu de santé. Ceux qui préféraient rester chez eux étaient signalés au moyen de chapeaux rouges, et isolés par des cadenas qu'on apposait sur les portes extérieures de leurs maisons. On alla jusqu'à interdire aux chapelains de pénétrer chez leurs col– lègues, et même dans la cathédrale. Deux chanoines vinrent à mourir. Quant à l'organiste, il refusa de monter aux orgues « tant que l'esca– lier ne seroit pas purifié » 11 • Les capucins de Caen semblent avoir été les premiers à se con– sacrer à cet héroïque ministère, et le P. Philippe de Paris nous parle longuement dans sa Chronologie historique du dévouement admirable des Pères Illuminé et Simon de Rouen. Ce dernier n'était que simple étudiant en théologie à Caen, lorsque le P. Honoré de Paris sollicita de Rome pour ses religieux l'autorisation d'administrer les sacrements aux pestiférés. Le P. Lazare de Caen, gardien du couvent, la donna au P. Simon ainsi qu'au P. Illuminé, et tous deux allèrent se dévouer, encouragés par l'évêque de Bayeux, dans les villages des environs de Caen. « Ils commencèrent - écrit le P. Philippe de Paris - à renouveler cette sainte assistance aux pestiférés, qui ne s'était point présentée depuis dis ou onze ans, n'y aiant point de ces malades dans cette province. Ils montrèrent un courage admirable, et une merveilleuse ferveur, car voiant qu'il n'y avoit personne qui voulut leur donner le couvert, ils se résolurent de demander deux tonneaux pour se mettre dedans, et ils y demeurèrent trois jours et trois nuits sans trouver ou se mettre. Ils avaient l'intention d'en faire leurs chambres, et de de– meurer et loger a la campagne, et comme ils étaient sur le point d'exécuter leur dessein, Nostre Seigneur voiant le zèle et la ferveur de ces deux braves soldats de sa milice, les secourut dans leurs be– soins. Il suscita un gentilhomme à leur preter sa maison qui était inhabitée, au village de Douvres 12 , joignant l'église de Notre-Dame-de– la-Délivrande, ou ils se retirèrent, et elle leur servit de retraite pen– dant deux mois et demi, que dura ce cruel mal. Ils travaillèrént jour et nuit avec une merveilleuse diligence, et étaient tellement employés, que souvent ils ne pouvaient point revenir dans leur retraite, étant contraints de se reposer dans quelque caverne, et étant quelquefois jusqu'à minuit sans avoir rien pris le jour précédent. - Après avoir travaillé trois semaines avec grand zèle et une ferveur d'apôtre, le P. Illuminé tomba malade durant une nuit, avec un grand mal de tête et au cœur, de sorte que se voiant hors d'état d'aller secourir vingt ou trente malades qui couraient risque de mourir sans confession... a cause que le P. Simon en avoit quantité, il se mit en oraison et deman– da a Dieu avec sa ferveur ordinaire: 'Vous voyez Seigneur, le besoin que ces pauvres brebis ont de mon secours, faites-moy la grace que je les puisse confesser et communier, après cela, je seray content de 11 Arch. dép. Seine-Maritime, série H, fonds des Capucins de Fécamp; Bibl. des Cap. de Paris, ms. 1677, dos. E. 12 Douvres, Calvados, arr. Caen.

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