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192 RAOUL DE SCEAUX La peste dura jusqu'au mois de novembre 1607. L'examen des re– gistres de comptabilité de la ville de Tours révèle, non seulement les dépenses considérables, conséquence de l'épidémie, mais encore la présence des capucins au lazaret, tel ce Frère Cassien à qui la ville paye « ung habit de gros drap de bure par luy fourny, une robbe et un manteau... pour le revettir, ayant son viel habit esté bruslé a son retour en la maison desdicts capusins ». En plein mois de novem– bre même, nous voyons la municipalité de Tours rembourser les re– ligieux « pour plusieurs meubles et aultres choses fournyes par les– dicts P. Capuchins a ceulx qui estoient retirez audict sanitat » 9 • 3. - Les capucins durant la grande peste de Normandie La ville de Rouen devait surtout bénéficier de leur dévouement en 1609, et dans les années qui suivirent. Les sanitats regorgeaient de malades, la cité se trouvait plongée dans la tristesse et l'épouvante, et les « chirurgiens » qui ne suffisaient plus à la tâche, allaient de lit en lit assistés par des religieux. Les «marqueurs», chargés de signaler à la chaux les maisons suspectes, amenaient sans cesse de nouveaux contingents de malades qui devaient partager avec d'autres, déjà hos– pitalisés, les mêmes chambres, voire les mêmes lits. Le chariot passait de pavillon en pavillon se remplissant de cadavres. Quant aux ser– gents, chargés de l'ordre, surmenés, ils s'impatientaient contre les malades qu'ils brutalisaient parfois, exigeaient quelques sols supplé– mentaires à l'administration hospitalière pour chaque corps porté au cimitière, et cherchaient dans le vin une évasion, en même temps qu'un stimulant, pour continuer leur funèbre besogne. Ils se présen– taient à demi-ivres pour prendre les morts ou les malades, à tel point que parfois, les habitants les poursuivaient de leurs huées et les ac– cueillaient _à coups de pierres 10 • Comme à Nantes, à Tours, à Angers, les capucins eurent à cœur d'être présents au plus fort du danger. En 1621, surtout, la situation devint tragique, car le service des inhumations au cimetière Saint– Maur se révélait insuffisant; les prêtres qui visitaient les malades, les membres des congrégations laïques de charité, tous ou presque succombèrent au fléau. Les échevins avaient établi des enquêteurs qui parcouraient les rues, s'informaient des maisons suspectes, et fai– saient un rapport aux officiers sur le danger qu'offrait le transfert 9 « A Alexandre Motheron, maistre tapissier audict Tours, la somme de neuf livres a luy ordonnée pour le paiement des trois paillasses et trois chevetz qu'il a fourniz ausdicts pères Capuchins au lieu et place de ceulx a eulx appartenans, qu'ilz auraient audict sanitat pour servir a ceulx desdicts Pères Capuchins qui y estaient retenuz malades » (Arch. corn. Tours, GG 21). 10 L. BOUCHER, La peste à Rouen au xv1, et au XVIIe siècle, Rouen 1897, 35.

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