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LES CAPUCINS AU SERVICE DES PESTIFÉRÉS 191 aux habitants fut si violente, que les capucins tourangeaux durent faire appel à leurs frères du couvent d'Orléans. Trois devaient mourir « dans cet exercice de charité qui leur acquit un rang de martyre dans le ciel » 6 • Logés dans l'île Saint-Jacques, où la municipalité les avait dotés d'une chapelle, les capucins travaillaient non seulement au lazaret, mais encore assistaient les malades demeurés chez eux. Le P. Ange de Joyeuse, provincial, avait, en effet, autorisé le P. Léonard, gardien du couvent de Tours, à envoyer des religieux pour grouper les malades de la ville. C'est à ce moment qu'un religieux, le P. Tho– mas de Reims, qui se dirigeait vers le couvent de Rennes, où il venait d'être nommé, s'offrit volontiers pour aider ses confrères, quand le P. Léonard, qui n'était pas son supérieur, refusa. « Mais comme toute la famille insista a ce que le P. Thomas de Reims contenta son zèle, s'y offrant de si bonne grâce, et qu'il étoit en état de résister a un si affreux mal, il luy permit et luy donna sa béné– diction pour aller avec ceux qui s'étoient offerts. Ce qu'aiant accepté avec joye, il y alla avec une ardeur toute séraphique. Il commença par les confesser, leur administrer les sacremens, leur faisoit des exhortations, les encourageoit a prendre la mort comme venant de la main de Dieu... Il s'acquit tellement l'estime de toute la ville de Tours, que lorsqu'il se retira par obéissance de ses supérieurs du lieu ou il étoit avec ces malades, et qu'il eut été atteint de la même maladie, dont il fut récompensé par une éternité de bonheur, les malades de– meurèrent inconsolables » 7 • Ce ne fut pas la seule victime. Le P. Chérubin d'Orléans, de la fa– mille conventuelle de Tours, sollicita du P. Léonard la même faveur. Sa demande fut exaucée et, pendant quelque temps, il se dévoua auprès des malades jusqu'à ce qu'il fût attaqué lui-même de la peste, « dont il mourut après avoir satisfait a son zèle et a ses pieuses intentions qui était de mourir martir de charité, comme il luy arriva». Une troisième victime tomba au service des malheureux conta– gieux: le Frère Jacques d'Orléans qui « acquit beaucoup de mérites devant Dieu, agissant avec une charité admirable, secourant les uns et les autres avec une grande complaisance » 8 • Le P. Léonard de Paris remplaça ces héroïques religieux tout le temps que dura l'épidémie par d'autres volontaires, mais ces trois victimes furent, heureusement, les seules qui succombèrent. 6 Bibl. mun. Tours, ms. 1216, f.814. 1 Bibl. nat., f.fr . 25.004, p.118. 8 Bibl. nat., f,fr. 25.044, p.119-121; Bibl. mun. Rouen, ms. 1361, p.106; UBALD D'ALENÇON, Les Frères Mineurs Capucins de Reims, Paris 1929, 15. - Le Nécrologe du Titre (ms. Haute– feuille conservé au château du Titre, près Abbeville) attribue faussement l'année 1606 comme étant celle de la mort des trois capucins de Tours (Nécrologe cit., p.8). Le P. Philippe de Paris, contemporain des faits, affirme, dans sa Chronologie historique, que leur mort eut lieu pendant le provincialat du P. Ange de Joyeuse, or, celui-ci fut élu le 27 avril 1607 (Bibl. Mazarine, ms. 2429, p.116).

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