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LES CAPUCINS AU SERVICE DES PESTIFÉRÉS 207' de lui écrire afin de modérer son zèle 52 • En dépit de ces exhortations. à la prudence, le P. Michel-Ange et ses compagnons continuaient leur charitable besogne dans la capitale de la Picardie, où la peste causa d'affreux ravages, puisqu'on y compta plus de vingt mille cas de peste· en trois ans, et que cinq mille enfants périrent. Les capucins infir-· miers enlevaient « ces petits affamés d'entre les bras débiles et pendillants de leur mère· pestiférée, puis en les mignardant a leur mode, les transportaient depuis un bout de ville jusqu'a l'autre, et enfin au lieu de Santé ». Ce dernier s'élevait dans l'enclos de l'ancienne abbaye Saint-Jean 53 •. Là, il fallait leur trouver quelque nourrice qui par sa charité voulut bien risquer sa vie pour sauver celle de ces petits abandonnés. Les échevins d'Amiens présidaient à l'organisation de la Maison de Santé et donnaient, comme leurs collègues de Rouen, l'exemple· du dévouement, au péril même de leur vie. Le P. Michel-Ange de Gué– ret remarque que la Providence de Dieu les récompensa d'une telle abnégation, en les préservant du fléau, eux et leurs familles 54 • C'est dans cette ville que le P. Michel-Ange vécut certaines aven– tures tragiques que lui-même nous raconte. Un jour de 1636, un ado– lescent « bruslé au dedans du venin de la peste, et au dehors aussi froid que du glaçon, se tronçonne la langue aussi noire que la poix ». Bientôt, on constate qu'il perd peu à peu sa raison: il délire, se frap-· pe la tête contre les murs, refuse les secours qui lui sont offerts, et s'enfuit de la ville. Le P. Michel-Ange court après lui, le rattrape enfin au bord de la rivière où ils roulent tous les deux. Le capucin réussit à se dégager, sauve le jeune homme qu'il se mit à soigner, et parvint à ramener à la santé. Celui-ci « devenu homme de bien... par le moyen de l'affliction», demeura dès lors un ami reconnaissant des capucins d'Amiens. Un peu plus tard, toujours à Amiens, un soldat, malade de· la peste, s'était « enfermé tout seul dans la maison de son hôte qui, s'en estoit sage– ment desia retiré, en donnant la clef au plus proche voisin, qui ap– préhendant avec justes raisons ce qui n'arrive que trop depuis, me· l'envoye peu de temps après sur la minuict. Je my transporte soudain,. sans attendre le petit garçon porteflambeau aussi paresseux a pren– dre ses habits que difficile a se réveiller. J'arrive sans lumière à la porte du lieu infecté, plus solitaire et sans bruit qu'un hermitage,. et après mille difficultés de pouvoir bien ajuster la clef au trou de la serrure, j'adresse enfin, j'ouvre la porte, et entre au dedans du logis,. ou ne trouvant ny feu ny clarté qui me puissent conduire jusq'au lict 62 Arch. corn. Amiens, AA 63 (liasse). oJ A. DE CALONNE, Histoire de la ville d'Amiens II, Amiens-Paris 1900, 338. 64 MICHEL-ANGE DE GUÉRET, Le bon malade à la suite de Jésus-Christ... , 5; Livre con-· tenant les résolutions, publications et ordonnances pour éviter le mal contagieux (Arch. corn.. Amiens, BB 71); Les actes de l'Ji.glise d.'Amiens de l'an 811 à l'an 1848 I, p.388 note.

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