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LES CAPUCINS AU SERVICE DES PESTIFÉRÉS 199 ':fangeuses, aux eaux croupissantes, viviers stagnants, nuées de men– diants déguenillés qui s'empressaient aux portes des églises. Le Parle– ment de Normandie s'efforçait d'assainir la ville, mais se heurtait à 1a susceptibilité des échevins qu'il gourmandait à juste titre. La cité donnait, durant ces périodes d'épidémie, l'impression de la mort: plus d'animation dans les rues, plus de commerce, certaines artères interdites. Sur les places et dans les rues, on allumait des feux exha– lant le goudron, la genièvre, la térébenthine, antidotes primitifs, présumés efficaces contre le poison subtil qui infectait la ville. On soignait les malades en attendant d'être frappé à son tour. Les valides fuyaient la cité maudite, et à la seule vue d'un habitant de Rouen, les villages prenaient des mesures préventives ou refusaient de recevoir les voyageurs. Le Parlement, stoïque, restait sur place, non pour juger, les plai- , deurs ayant disparu, mais pour protéger la ville. Il faut admirer le sang-froid de ces magistrats qui auraient préféré, eux aussi, fuir et se réfugier à la campagne, mais qui restaient pour organiser la lutte contre le fléau, conférant avec les médecins, recrutant des infirmiers et des aumôniers, veillant à la propreté des rues, excitant le zèle de la municipalité. Il se réservait la surveillance des marqueurs, chargés de purifier les maisons infectées, de nettoyer les meubles, de détruire tout objet susceptible de recéler un germe quelconque de mort. Cer– tains de ceu.,'C-ci n'hésitaient pas d'ailleurs à détourner des meubles, à faire circuler des vêtements infectés qui propageaient l'épidémie et semaient la mort en ville. Quand ces misérables étaient pris sur le fait, ils se voyaient jetés dans une tour des remparts, la Tour des pes– tiférés, et de là, conduits par d'autres marqueurs, dans la cour du palais, sous les fenêtres de la Grand'Chambre du Parlement. Du haut d'un balcon, le premier président assisté d'autres magistraits procé– dait à l'interrogatoire, et condamnait les criminels que le bourreau exécutait séance tenante sur les remparts 30 • Devant cette recrudescence de l'épidémie en 1623, les capucins normands ne demeurèrent pas inactifs. La première victime fut le P. Gérard de Saint-Lô « religieux bien doux et d'une humeur admirable... d'un esprit pé– nétrant pour les sciences de l'Ecriture Sainte... Très zélé de sa pro– fession, très charitable pour ses frères et très austère pour luy– même ». Il quitta le couvent de Caen où il étudiait la théologie, et commença ao J.J. EXPILLY, Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France VI, Paris 1770, 461; L. LEVASSEUR DE MASSEVILLE, Histoire sommaire de Normandie VI, 518; A. FLOQUET, Histoire du Parlement de Normandie IV, Rouen 1841, 458. MMP II - 14

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