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204 MAXIMILIEN DE MOERDIJK des images d'amants qui ne peuvent pas détourner l'œil de l'objet aimé. Cette analogie avec Ovide est tout à fait vraisemblable quand on sait que les auteurs latins médiévaux étaient en général très érudits et que c'est surtout Ovide qui emportait leur admiration 40 • Chez Peckham on rencontre encore un élément d'origine classique qui lui est venu par la voie des auteurs provençaux et latins. Voici la strophe 86 : Sed iam metrum finio, ne sim taediosus, Nam si vellem scribere, quam deliciosus Sit hic status animae quamque gloriosus, A malignis dicerer fallax et mendosus. Ce « status animae » il l'a décrit plus haut dans les strophes 83-85 : l'âme amoureuse peut enfin goûter les embrassements de l'Époux. Les « maligni » dans la poésie érotique des auteurs médié– vaux et classiques sont les jaloux, les calomniateurs, qui ne croient pas à l'amour, qui le rendent suspect et qui l'envient à autrui. Chez Peckham les « maligni » sont les profanes qui ne comprennent pas la joie de l'embrassement spirituel, ou ne veulent pas le comprendre et dans leur jalousie traitent comme mensonge tout ce qu'on en dit. Quand Peckham, comme il le dit lui-même dans la strophe 4 et comme il résulte du poème entier, donne un sens mystique à l'histoire du rossignol il reste parfaitement dans la tradition de l'Église, qui, depuis son origine, a mis les choses profanes au service de sa doctrine et de son art. Le poème est un spécimen de la spiritualisation de la poésie érotique. Peckham a christianisé le lyrisme érotique, qui était généralement admis dans le nouveau pathétique cultivé surtout par St. Bernard et intensifié et répandu par St. François. Si Peckham empruntait un grand nombre de ses motifs à la poésie profane, son élan spirituel fut inspiré par de tout autres facteurs. Mysticisme franciscain Chez Peckham, tout comme chez St. Bonaventure, nous voyons apparaître la dévotion christocentrique du haut-moyen-âge qui va remplacer la dévotion théocentrique. Au XIIe siècle la dévotion po– pulaire se mit à s'orienter sur le Christ, considéré dans sa nature hu– maine. Saint Bernard a puisé dans ces dévotions populaires et les a purifiées, en se tenant à l'Évangile. À son tour il a nourri la dévotion populaire par ses sermons et ses écrits. Saint François s'est fait l'écho de son époque en donnant au culte du Christ ce caractère intime qui, dans le domaine de la littérature, a trouvé sa première manifestation 10 Neophil. 38(1954) 290-291.

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