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LA « PHILOMENA » DE JEAN DE PECKHAM 203 Que Peckham ait emprunté au Cantique des Cantiques (2, 1) l'image lilium convallium ne provient pas de sa connaissance intime de ce livre sacré, mais plutôt de l'influence des poètes érotiques. Depuis l'époque carolingienne les poètes empruntaient au Cantique des Cantiques des noms hypocoristiques pour la femme honorée ou aimée 33 ; et quand Peckham dans la strophe 53 donne au Christ l'épithète d'amicus 34 ou de mustum 3 5, ou que, dans les strophes 85-86 il s'adresse à l'âme amoureuse en l'appelant « soror » 36 , il ne fait que suivre une tradition courante dans la poésie érotique. Deux passages de la Philomena semblent remonter aux Méta– morphoses d'Ovide, c'est à dire à l'histoire de Philomena, bien qu'on n'y parle plus d'elle après sa métamorphose. Dans la strophe 10 Peckham dit qu'aux heures les plus chaudes de la journée Philomena chante avec une belle langue, que sa petite gorge en crève et qu'elle ne peut plus que remuer son bec 37 • C'est ce qui ressemble de près à ce qu'Ovide raconte de la Philomena. Quand Tereus a coupé la langue de Philomena, « radix micat ultima linguae, ipsa iacet terraeque tre– mens immurmurat atrae » 38 • Cette analogie aurait pu passer pour un simple hasard - quoique les deux idées analogues se présentent justement dans l'histoire de Philomena -, si ce n'était que, dans la strophe 70, Peckam emploie la même comparaison qu'Ovide dans son récit de la Philomena. Voici le texte d'Ovide 39 : Tereus amoureux de Philomena Nusquam lumen detorquet ab illa, non aliter, quam cum pedibus praedator obuncis deposuit nido leporem Iovis ales in alto: nulla fuga est capto, spectat sua praemia raptor. Et Peckham, après avoir dit que le Christ à la croix montre son cœur et demande un amour mutuel, continua dans la strophe 70 : Hoc reclinatorium quoties monstratur Piae menti, toties ei glutinatur, Sicut et accipiter totus inescatur Super carnem rubeam, per quam revocatur. Il faut remarquer qu'il s'agit dans les deux comparaisons d'un oiseau rapace qui s'attache à sa proie et que les deux comparaisons sont 33 Neophil. 9(1924) 51, 58, 205. 31 Cantique des Cantiques 5, 16. 30 Ibid., 8, 2. 36 Ibid., 5, 2. 37 Voir strophe 10. as Metam., VI, 557-558. 30 Ibid., vs. 515-518.

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