BCCCAP00000000000000000000831

206 MAXIMILIEN DE MOERDIJK la vie publique du Christ, l'âme parvient au comble de la pauvreté spirituelle et du renoncement au monde. La troisième phase, la con– templation de Jésus crucifié, lui donne la ferme confiance que le sang du Crucifié l'a lavée de tous ses péchés. Arrivé là, son amour se transforme en compassion: l'âme ne demande plus que d'être attachée sur la croix avec son Bien-aimé; elle ne peut plus parler des choses du monde, qui l'empêchent de monter jusqu'au plus haut amour; elle ne pense plus à ses péchés, maintenant qu'elle a la con– fiance d'être purifiée, et elle ne peut plus que se plaindre et pleurer jusqu'à ce qu'elle trouve le repos dans l'union avec Dieu comme l'Épouse avec l'Époux. Pour Peckham, l'union de l'âme avec le Christ a un caractère nuptial. Le mysticisme franciscain est un mysticisme nuptial emprun– té par St. Bonaventure à St. Bernard. Au commencement de sa mon– tée, l'âme se voit comme la fi.lia (21); en méditant la passion du Christ elle se considère de plus en plus comme Épouse, tout en ayant l'espoir d'embrasser, après sa mort, son Bien-aimé (62); après la mort spiri– tuelle elle est « inter Sponsi brachia dulciter sopita », et reçoit de Lui « oscula mellita » (83), devenue pour de bon « nupta felicissimo Regi saeculorum » (90). Ce n'est pas par hasard que, comme dit Celano, Ste. Claire tâ– chait d'être digne des fiançailles avec le grand Roi 43 • Toute la montée mystique de l'âme, comme Peckham la célèbre dans son poème, re– monte aux sources franciscaines; elle est dépourvue de tout caractère spéculatif, mais purement affective, directement axée sur la vie pra– tique, et surtout entièrement fondée sur l'idée de la pauvreté, c.à.d. sur le détachement absolu du « vilem saeculi venustatem » (34), le « mundi molam » (40), l'amour se nourissant à la crèche (25-34) et à la passion du Christ (48-77) Influence, traductions et adaptations Il n'est pas étonnant que ce poème de l'ascension de l'amour tellement imbu d'affections suaves fût très populaire au moyen-âge et ait eu une influence très vaste et de longue durée 44 • Pas moins de 35 mss. nous sont connus du moyen-âge. Ainsi que le Stabat Mater qui a été d'abord traduit en français (1303), la plus ancienne traduc– tion de la Philomena est aussi en français (1330) 45 • 43 Legenda S. Clarae Vfrginis, n.6. 44 Le R.P. Servus de Sint Anthonis, attaché à l'Institut Historique des Frèces Mineurs Capucins à Rome, a attiré mon attention sur plusieurs des écrits suivants. Je tiens à lui exprimer ici ma reconnaissance. •5 Voir Histoire littéraire de France XXXVI, Paris 1927, 235-237.

RkJQdWJsaXNoZXIy NDA3MTIz