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Office de la Passion 85 apporter le feu sur la terre ( 172 ), nous comprenons que frère feu, en sa réalité même de feu, soit beau, joyeux, indomptable et fort, et cette compréhension, en nous-mêmes, nous enflamme de similitude divine. Par le fait que du côté transpercé de Jésus-Christ en croix, l'eau se soit écoulée avec le sang pour devenir Eglise, nous com– prenons que sœur eau, en sa réalité même d'eau, soit utile, humble, précieuse et chaste, et cette compréhension, en nous-mêmes, nous purifie en similitude divine; par le fait que sur la croix Jésus ait rendu l'esprit pour envoyer l'Esprit sur le monde, nous comprenons que frère vent... Par le fait que Marie au pied de la croix participe à cette immolation en devenant mère du Premier né et mère de tous les « saint Jean » ( 173 ) de la terre, nous comprenons que sœur mère terre... Et nous verrons alors jusqu'où se déploie cette lecture du Cantique qu'une schématisation trop simple risquerait ici de cari– caturer. Qu'il suffise de retenir pour l'instant combien la croix est cette unique lumière capable de rendre à l'homme la compréhension de ce qu'il est face à Dieu et face au monde. Comme l'avait dit Hugues de Saint-Victor, le juste réapprend à ouvrir son œil de la contemplation qu'avait meurtri le péché originel. Au moyen d'une vision réunifiée, vision où l'œil de la contemplation réordonne l'œil de la raison pour permettre à l'œil de la chair de servir correctement d'outil à l'entendement intérieur, le juste inter– prète en leur sens véritable les données du livre de la nature ('"). Même s'il n'était pas homme de lettres, François avait néanmoins parfaitement conscience de cette ordination du «voir». Ainsi, au médecin qui lui reproche d'abimer ses yeux de la chair en pleurant trop souvent de compassion au souvenir de la croix, le saint de répondre: « Frère médecin, ce n'est pas pour l'amour d'une lumière dont jouissent les mouches tout aussi bien que nous, qu'il nous faut renoncer si peu que ce soit à la vision de la lumière éternelle, car ce n'est pas l'esprit qui a reçu pour la chair le privilège de voir la ( 172 ) Le 12, 49. (173) ln 19, 25-27. ( 174 ) Cf. HUGUES DE SAINT VICTOR, De Sacramentis, 1. !, p. 10, C. 2: PL 176, 329. Cette allu– sion au triple regard de l'âme chez le victorin annonce ici notre étude suivante. Croix et Nature chez saint François d'Assise à la lumière de la théologie au douzième siècle, puis– qu'elle en constituera une des référénces majeures.

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