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30 LE P. CHÉRUBIN DE MAURIENNE les catholiques étaient sûrs de leur cause, et, par contre, comme l'était peu celle de leurs adversaires. Là ne se borna pas la pre– mière tentative du P. Chérubin. Le jeudi suivant, qui était jour de marché, il fit dresser une chaire sur la place publique et prêcha contre les erreurs de Calvin. A la fin, se tournant vers l'hôtel de ville, où logeait le principal ministre, il dit aux assistants : « Votre ministre est à cette fenêtre, qui m'écoute et ne dit rien: obligez-le de venir ici défendre la fausse doctrine qu'il vous en– seigne. Il ne l'entreprendra pas ; car il sait bien qu'il vous trompe, qu'il vous abuse et qu'il vous perd )). (r) De si fortes paroles effrayèrent les catholiques; ils redoutaient pour le Missionnaire quelque mauvais coup de la part des protestants. Mais non, son discours achevé, il passa au milieu d'eux et s'en alla. Malgré les oppositions des syndics de la ville et des habitants, le Prévôt put enfin parvenir à célébrer la messe pour la première fois en l'église Saint-Hippolyte, le jour de Noël 1596. Ce que voyant, le duc approuva la conduite de François et signifia aux bourgeois de Thonon qu'il entendait que l'exercice de la religion catholique fût public, qu'on célébrât ostensiblement la messe dans l'église Saint-Hippolyte, qu'on y prêchât publiquement; que la prédication fût annoncée par le son de la grosse cloche; en outre, il leur recommandait très spécialement le Prévôt de Genève et le P. Chérubin. Cependant les catholiques n'avaient pas l'usage exclusif de leur église. Les prédicateurs catholiques et les ministres protes– tants y prêchaient alternativement, chacun leur jour, et ainsi la sainte messe et la cène, le sermon et le prêche, les vérités révé– lées et les erreurs de Calvin s'y succédaient à tour de rôle. « Le P. Chérubin ne pouvait souffrir un mélange si monstrueux... Il fit tant que les huguenots durent céder l'église Saint-Hippolyte aux catholiques et se transférer dans celle de Saint-Augustin, avec cette réserve toutefois qu'ils pourraient se servir de la grande cloche de Saint-Hippolyre pour sonner leurs prêches. Ce privilège parut exorbitant au P. Chérubin qui s'en plaignit au Prince et en obtint que désormais la grande cloche ne servirait qu'aux seuls catholiques. Ainsi était la volonté du duc ; malheureusement ce n'était point celle de ses officiers qui, appréhendant quelques tumultes, n'osèrent exécuter les ordres donnés. Mais le P. Ché– rubin n'était pas homme à temporiser. Dédaignant de recourir à l'intervention des magistrats dont la timidité le choquait, il (r) Ibid. abr., p. 41.

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