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284 D. Gagnan compte dans la rédaction de la vision. C'est pourquoi il prit tant de précautions dans l'introduction de sa narration: « Voici en quelques mots quelque chose de merveilleux dont la signification n'est pas tres claire mais dont l'authenticité est incontestable» 59 • Autrement dit: voilà quelque chose de merveilleux, quelque chose qui appartient au caractère merveilleux et à son langage et donc quelque chose qui pour s'exprimer utilise les formes littéraires du merveilleux si déve– loppées dans les romans courtois. Mais ce n'est pas une « aventure merveHeuse » selon l'expression consacrée par cette littérature, car il s'agit d'une vision réelle, et non d'une histoire romancée; cette vision a eu lieu dans un temps donné et un espace donné, plus réelle qu'un songe puisque des témoins en ont été stupéfaits. Ce faisant, Celano ne détruit pas cette suggestion qui, immanente au récit, pous– se le lecteur vers l'herméneutique déployée dans les romans de chevalerie; il la retient, mettant en garde contre l'application trop rigoureuse d'un cadre d'interprétation qui tendrait à romancer la vision. S'il n'avait voulu freiner le réflexe de lecteur il eut sûrement utilisé les expressions classique de « aventure merveilleuse » et de « salutation courtoise ». Cette réserve constatée, il devient possible de retrouver le sens de nos trois messagères. Comme les gentes demoiselles qui apparu– rent à Perceval, elles sont des forces spirituelles ou morales qui véhi– culent une révélation du Très-Haut. Elles prennent forme de femme pour livrer leur message puis retournent en leur lieu naturel leur mission accomplie. Elles ne sont pas montées sur un lion ou sur un serpent mais leur apparence de pauvresse indique manifestement (à fortiori dans le contexte), l'empreinte du Christ pauvre; c'est donc sous le signe de Jésus crucifié qu'elles s'adressent à François. Leur nombre de trois et leur similitude fait appel au symbolisme trini– taire, et à ses multiples applications. Les nombreuses possibilités d'interprétation que permettent ces applications motivent le « pas trop clair » du biographe, et lui font préférer la concision de l'expres– sion symbolique, deshabillée de toute interprétation: ce qu'il appelle: « en quelque mots ». Reprenant le récit de cette vision dans sa legenda major, le doc– teur séraphique, en parfaite continuité avec Celano (lui aussi parle de « quelque chose de merveilleux») juge bon, quant à lui, de pro- 5 9 II C 93 (AF 185, DV 424).
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