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282 D. Gagnan pauvre. S'entendre appelé de la sorte ne pouvait avoir de sens pour lui qu'à l'intérieur même de cette relation d'amour qui l'unissait à Jésus-Christ crucifié, unique objet de son désir. Aussi ne pouvait-il comprendre l'appellation que sous cette forme prophétique: Venant ratifier sa vocation personnelle, son Seigneur le reconnaissait et le nommait comme configuré à la Dame Pauvreté. Cette attention du Maître pour le serviteur, absolue mais délicate, véritable mais tendre, pouvait certes entraîner le saint dans une expérience intime des se– crets de Dieu. Il reste cependant dans le récit de cette aventure un élément qui échappe à toute typologie biblique. Il s'agit des personnages révé– lateurs: les trois pauvresses pérégrinantes. Dans l'Ecriture les « révé– lateurs » de nom sont toujours: « soit le prophète « attitré », soit la personne passagèrement investie de l'Esprit (Elisabeth); soit l'ange de Dieu, envoyé céleste qui appartient au monde de~ puissances spi– rituelles et dont la tâche particulière consiste alors à annoncer une intention divine. Jamais il n'est question d'apparence de femmes pauvres manifestées comme « triple reproduction du même mo– dèle» et disparaissant « plus rapide que les oiseaux ». C'est ici le caractère mystérieux qui laisse Celano quelque peu rêveur. Ne vou– lant pas traiter cette image de façon univoque, le biographe se re– fuse à en donner une interprétation formelle. Il aurait pu, comme dans son exposé de la vision précédente, transmettre plusieurs ver– sions qui eussent permis au lecteur de baliser une logique de l'image; mais il préfère demeurer plus souple et rester dans l'ordre de la sug– gestion. Car il y a suggestion; suggestion même assez précise pour le contemporain de Celano. Rechercher l'Absolu dans le service d'une Dame; le thème n'était guère nouveau puisqu'il servait d'ossature à tout roman chevaleresque. Or cette littérature, que nous avons vue si marquée par la mythologie celte, abonde en « gentes demoiselles», semblables aux trois femmes de la vision, messagères des décrets divins et porte-paroles de la Fortune 55 • Elles annoncent aux héros 55 L'origine de ces personnages sacrés féminins est à rechercher dans la mythologie celte. Ce sont ces «fées» dont Morgane et ses neuf sœurs· semblent prototypes; celles-là même qui dans le poème celte les butins d'Annwn sont chargées de la garde du chaudron merveilleux (R.S. LOOMIS. Wales and the Arthurian Legend, Cardiff, university of wales Press, 1956, 133-177). Le roman médiéval La mort le roi Artur (XIIIe siècle) met en scène la fée Morgane devenue sœur du roi Arthur comme dernière manifestation de la Dame Fortune avant la mort d'une royauté qui a échoué.

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