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Le symbole de la femme chez saint François 267 expression de sa beauté. Plus près du Poverello, saint Bernard avait recueilli cette expression pour la livrer au moyen-âge comme esthé– tique de la spiritualité chrétienne. Héritier de ce langage, l'assisiate ne partait pas « de rien»; il savait où chercher cette épouse, et dès sa conversion, celle-ci pouvait déjà guider, modeler, informer, sa vie de solitude. Mais François n'était pas «littéraire», et sa connaissance de l'épouse à l'époque du songe de Spolète ne pouvait guère s'identifier à l'image précise et minuüeuse que saint Bernard avait dressée en quatre-vingt-six sermons échelonnés sur dix-huit années de médita– tion. L'absence de référence au Cantique des cantiques dans l'œuvre écrite du Poverello, par ailleurs tissée de citations scripturaires, lais– serait même entendre que l'œuvre littérale du grand cistercien n'eut guère d'influence immédiate dans la mise en forme de la spiritualité franciscaine. Cette influence, qu'il faudrait bien se garder d'éliminer sous prétexte qu'elle ne fut pas directe, passa par la vaste résonance d'un milieu culturel. Beaucoup moins précise mais peut-être plus intime, l'image de l'époque que François recevait de sa culture, n'était plus celle, toute fraîche, qu'accueillaient les moines de Citeaux quel– ques décennies plus tôt. C'était déjà l'image que la chrétienté avait assimilée de la spiritualité cistercienne dans le vivant souvenir du langage des Pères de l'Eglise et de !'Ecriture. La fiancée de François, à l'époque de sa conversion, avait les traits de l'image que devait s'en faire, dans l'écho d'une tradition orale, le chrétien de ce jour soucieux du fait religieux: « supérieure en beauté », « unique en sagesse», « épouse immaculée de Dieu», elle est « guide de la vie religieuse»; elle invite au désert, elle appœnd à se préoccuper de la seule réfé– rence à l'absolu. Sans visage particulier, elle est celle que l'on retrouve sous toute forme de solitude, cénobitique ou érémitique, laïque ou cléricale; spiritualité chréüenne, commune à tout monachisme, elle est celle qui s'offre au cœur de l'apprenti religieux alors qu'il s'éveille à la beauté de l'amour divin. De fait il ne s'agissait pas tant d'épouse que de fiancée; esquisse d'épouse_. perle précieuse pour laquelle on sacrifie tout, sans trop savoir encore ce que signifie la posséder. Les fiançailles du Poverello devaient durer trois ans. Vivant en ermite sans spiritualité définie, « avec la ceinture de cuir, le bâton en main et les chaussures aux pieds » 19 il cherchait la connaissance 19 I C 21 (AF 18, DV 235).
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