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ANÁLISIS E INVESTIGACIÓN ANÁLISIS TEMÁTICO 108/ANTHROPOS 122/123 Universalité et alterité juive chez Enrique Rivera de Ventosa Henry Méchoulan Rendre hommage au Pere Enrique Rive– ra de Ventosa est sans conteste un insi– gne privilége et une authentique joie, tant il est vrai que son existence comme homme et comme universitaire a tou– jours été dédiée a l'amour de la vérité. Son enseignement philosophique, dis– pensé dans la prestigieuse Université Pontificale de Salamanque, s'ancre done sur un double fondement: l'amour et la vérité. Nous le rappelons de fac;on limi– naire pour mieux en souligner l'excep– tionnelle importance, car le Pere Rivera me fit jamais de concession a la conjonc– ture, fidele a sa mission qu 'il remplit avec une rigueur kantienne tempérée par la chaleur de sa foi. Le monde sur lequel il ne cessa de mé– diter fut, hélas! riche en tragédies col– lectives, en guerres et en massacres. Le Pere Rivera ne voulut jamais échapper aux interrogations que ce monde susci– tait. 11 les a analysées, il les a jugées a l'aide d'une pensée qui puissait son ins– piration de l'Antiguité a nos jours, avec une mention toute spéciale pour le rayon– nement de la culture espagnole tant dans son pays comme hors de ses frontieres. Entre autres oeuvres, il rédigea une diffi– cile et admirable synthese de la philo– sophie espagnole au siecle d'Or, fruit de recherches pasionnées et fructueuses, qui paraí:tra bient6t dans l'encyclopédie Uberwegs GrundriJ] der Geschichte der Philosophie. 11 est hors de question de parler ici de tout l'oeuvre du Pere Rivera, mais il im– porte d'évoquer avant toute chose ses travaux sur Saint Bonaventure et cela parce qu'ils illustrent la personnalité de celui a qui nous rendons hommage. Saint Bonaventure et le Pere Enrique Ri– vera sont liés par des liens évidents de fraternité; en effet, tout comme dans l'oeuvre de l'illustre doctor devotus, on ne trouve pas dans les écrits de Pere Ri– vera la moindre trace de polémique, de prétention ou d'arrogance. 11 aborde tou– jours ce qui lui tient le plus a coeur avec un enthousiasme calme, modeste et plein de ponderation. Quelque livre ou quel– que article du Pere Rivera que nous li– sions, nous sommes d'abord frappés par une vaste érudition, naturellement pétrie avec une volonté de concilier les opi– nions dans le plus grand respect d'autrui. A ces qualités s'ajoute l'esprit de paix et de concorde dans la recherche d 'une vé– rité qui, en derriere analyse, se confond toujours avec celle de Dieu, une recher– che intellectuelle qui ne peut aboutir que par l'amour. Tous ceux qui ont le pri– vilege de connaí:tre le Pere Rivera sont saisis par ce sentiment qui émane naturellement de sa personne et qui est toujours a !'origine de saquete philoso– phique. En effet, si l' oeuvre de Saint Bo– naventure l'intéresse, c'est aussi parce qu'il veut montrer l'universalité du mes– sage del 'illustre docteur et pour ce faire, Enrique Rivera n'hésite pas a mettre en regard la pensée du moyen-age avec ce– lle de Hegel, de Bergson ou de Blondel, pour montrer ce que le message du mai– tre du XIIIe siecle avait de moderne, d'actuel et de vivant. Le temps ne peut pas ensevelir !'indispensable amour de l'homme ni l'exigence de respect inhé– rente a sa nature. Bien au contraire, et plus que jamais, notre époque doit étre a l'écoute des lec;ons et des messages d'amour, et rendre grace au messager qui les rapelle dans le seul souci de l 'union des hommes. Dans ce registre, il est important de souligner les efforts du Pere Rivera pour rapprocher, dans un mutuel respect, juifs et chrétiens a tra– vers l'enseignement biblique, parce qu'il a été bouleversé par le génocide subi par le peuple juif qui donna au monde la Loi, les prophetes et Jésus. Dans une remar– quable étude intitulée «Phisis-Diatheke. Naturaleza e historia en el pensamiento bíblico y aristotélico», 1 le Pere Rivera questionne la pensée d' Aristote pour la comparer a la pensée biblique. 11 montre le,saut qualitatif qui se manifeste dans l 'Ecriture; face au monde du Stagirite dans lequel le hasard a une si grande pla– ce, a un monde existant de toute éternité, il oppose la création divine, la providen– ce qui n'hypotheque pas, et de loin, le li– bre arbitre de l'homme, comme il est dit dans le Deutérenome: «Ce commande– ment que je te prescris aujourd'hui n'est certainement point au-dessus de tes forces et hors de ta portée... C'est une chose au contraire qui est tout pres de toi, dans ta bouche et dans ton coeur, afinque tu la mettes en pratique. Vois, je mets aujourd'hui devant toi la vie et le bien, la mort et le mal». Reste que le phi– losophe sait rendre a chacun selon son mérite, et le Pere Rivera ne renie pas le role fondamental de l'Écriture dans la constitution de la science modeme, puis– que c'est grace a celle-la que l'idolatrie et la mythologie ont été expulsées de nos structures mentales. Notre tres éminent collegue s'est tou– jours attaché a promouvoir le dialogue

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